Collaboration vs coopération
Sylvain Connac :
" La notion de collaboration fait l’objet de nombreuses confusions avec celle de coopération. « Dans la littérature scientifique française, notamment celle concernant la formation à distance via les réseaux numériques, la confusion est de mise et progressivement coopératif et collaboratif ont été permutés : il faut reconnaître que l’usage ne donne pas à coopération et à collaboration des sens stables toujours clairement différenciés » (Heutte, 2011, p. 30).
Au regard d’une synthèse de plusieurs distinctions publiées[1], nous retenons que la collaboration pointe des activités de travail ("labeur") et elle place les coopérateurs dans une relation symétrique au projet qui les unit (Connac, 2017a).
Des collaborateurs recherchent de la solidarité (s’associer pour unir les forces et "faire bloc") là où des coopérateurs peuvent aussi tendre vers de la générosité (réaliser un don désintéressé de soi, dans l’effort – un don de soi – ou dans la relation – un don à autrui – Bidar, 2016, p. 58).
Avec la collaboration, un partage d’intérêts peut être à la fois solidaire et égoïste : « je fais quelque chose avec l’autre, ou même pour l’autre, parce que j’y trouve un avantage pour moi-même. » Avec la coopération, « je fais quelque chose avec l’autre et pour l’autre parce que j’éprouve une satisfaction à l’idée de la satisfaction de l’autre » (Go, in Sumputh, Fourcade, 2013, p. 52). La solidarité serait devenue, devant les exigences accrues liées aux agirs fraternels, une fraternité transférée à l’Etat providence, devenant une tâche impersonnelle et collective (Debray, 2009, p. 243).
En éducation, la coopération serait une quête, vectrice d’apprentissages, de créations et d’organisations, là où la collaboration serait limitée à l’accomplissement en commun d’une tâche nécessaire et représenterait un choix utilitariste (Eloi, 2018, p. 34).
Enfin, alors que collaborer serait participer à un projet commun, coopérer impliquerait un agir conjoint, dans un même espace au même moment (Marcel et al., 2007).
Autant la collaboration me semble pertinente pour au moins une partie de l'organisation du travail entre professionnel, autant elle parait très problématique dès lors qu'elle prétend organiser des apprentissages : diviser le travail des élèves risque de former des concepteurs, exécutants, chômeurs et gêneurs (Meirieu, 1983), les concepteurs étant les seuls qui apprennent. "
Voir aussi:
La coopération à l'école, les leviers pour le climat scolaire...
Ouvrages:
- "L'impasse collaborative. Pour une véritable économie de la coopération d'Éloi Laurent